Autant les œuvres et documents sont peu nombreux concernant Faugues, autant ils abondent du côté d’Isaac, même si son origine n’est pas très précise. Il se décrit lui-même comme « de Flandria » et serait né aux environ de 1450-55. La première trace de sa production est la copie de trois de ses motets dans un manuscrit de Innsbruk au cours des années 1470. Le 15 septembre 1484 il est payé comme « compositeur » à la cour de Sigismond d’Autriche à Innsbruk.
A partir de juillet 1485 il est à Florence, comme chanteur à Saint Jean, et fait partie du cercle de Laurent le magnifique pour qui il composera un motet : Qui dabit capiti meo aquam ? et peut-être la Missa ‘Salva nos’ à l’occasion de sa mort en 1492. Après le bannissement de Florence des Medicis en 1494, on retrouve Isaac à la cour de l’empereur Maximilien d’Autriche à partir de 1496, à qui il restera fidèle tout en se rendant de temps à autres dans des cours voisines.
L’année 1502, il postule au prestigieux poste de Maître de Chapelle à Ferrare, recommandé comme « pouvant composer sur demande », au contraire de son concurrent le plus prestigieux et qui sera finalement retenu, Josquin des Prez qui, lui, compose quand cela lui chante… En 1515, il est autorisé à résider de façon permanente à Florence tout en percevant son salaire de la cour impériale, sans doute pour des compositions, et y retrouve la famille Medicis, revenue au pouvoir depuis 1512. Suite à une maladie déclarée en décembre 1516, il meurt le 16 mars 1517 à Florence.
On connaît aujourd’hui de sa production 36 messes, plus de 50 motets, environ 100 chansons en français, italien, néerlandais et allemand et musiques sans paroles, mais sa contribution la plus fameuse résulte d’une commande du chapitre de la cathédrale de Constance en 1508 : le Choralis Constantinus, mise en musique du Propre de l’office des dimanches de l’année liturgique (mais pas les plus grandes fêtes pour lesquelles il avait déjà écrit des compositions à 6 voix), qui contiendra à la fin de sa vie, édités en trois volumes, 450 pièces correspondant à 99 offices.
Les deux messes qui nous concernent aujourd’hui présentent de grandes similarités structurelles. Chaque section (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus) se présente en au moins trois parties, la première et la dernière présentant le Cantus Firmus dans un Tutti avec les quatre voix quand la ou les parties centrales sont souvent à deux ou trois voix dans un contrepoint plus libre, sans Cantus Firmus strict. La longue mélodie de la Missa La Basse Dance est toujours divisée en deux entre les parties qui portent le Cantus Firmus alors que celle, plus courte, de la Missa La Spagna ne l’est que pour le Kyrie et se répète, rythmiquement variée, dans la dernière partie des sections.
Pour en finir avec les comparaisons, on remarquera que la Missa La Spagna commence systématiquement chaque section dans un rythme lent qui s’accélère ensuite, alors que la Missa La Basse Dance de déroule dans un rythme globalement constant et assez rapide, pour finir le dernier Agnus en accélérant encore.
Par-delà les différences et similitudes, ce sont deux joyaux que vous entendrez aujourd’hui, reflets des évolutions successives de l’histoire mais aussi de personnalités contrastées, et qui demeurent des témoins actuels des liens qui peuvent de tout temps unir profane et sacré.