Missa La Basse danse & Missa La Spagna

COM Concert Renaissance  Créations

création 2014

Création 2014 de la Compagnie Outre Mesure
pour le festival « Voutes Célestes »
du Conseil Général de la Vendée

Présentation

Genèse

C’est à la suite du « 1er Festival Renaissance de Fontenay-le-Comte » en août 2013, que Myriam Beaujault, programmatrice du festival « Voutes Célestes » du Conseil Général de la Vendée nous a demandé de réfléchir à un programme de concert de musique sacrée.

La Renaissance possède un corpus impressionnant de musique en tous genres : musiques militaires, religieuses et récréatives. C’est dans cette dernière catégorie que la Compagnie Outre Mesure a décidé d’œuvrer exclusivement jusqu’à cette proposition d’ouverture.

Les partitions de musiques sacrées sont très prolifiques au début des temps modernes. Compositeurs, musiciens, tous plus talentueux les uns que les autres se doivent d’écrire une messe.

En guise de clin d’œil à son répertoire de prédilection, la Compagnie Outre Mesure a choisi de sonner deux messes « chorégraphiques ». En effet, la bassedanse est, comme son nom l’indique, une sorte de « danse basse ». Elle est née à la cour de Bourgogne. Les italiens en ont fait une « mesure » mais surtout leur danse nationale qui se veut être la plus raffinée et sophistiquée. Seuls les Initiés pouvaient prétendre les danser ou les comprendre. Elle symbolise « l’harmonie du monde » et a une dimension très ésotérique. La Spagna n’est autre qu’une « grille » de basse, comme dans le jazz, très en vogue au XVe siècle sur laquelle les compositeurs de musiques à danser, ou non, s’appuyaient.

Voici donc la messe sur La Basse danse de Guillaume Faugues (compositeur franco-flamand actif entre 1460 et 1475) suivie de la messe sur La Spagna d’Heinrich Isaac (compositeur franco-flamand né en 1450 ? et mort en 1517).

Nous vous interprétons ces deux messes suivant les pratiques musicales et instrumentales en usage à leur époque dans ces polyphonies de 2 à 4 voix suivant les compositions :

– « a cappella » : ensemble uniquement vocal

– « colla voce » : chanteurs doublés par un ou plusieurs instruments

– « colla parte » : sur chaque voix : soit un chanteur soit un ou plusieurs instrumentistes

– en « consort » : ensemble d’instruments appartenant à la même famille

– en « Broken consort » : « concert brisé » : plusieurs instruments de familles différentes jouant ensemble

Messe polyphonique au XVe siècle
Eclairage de Marc Busnel (mars 2014)

C’est à partir du XIVe siècle, période de l’installation des papes en Avignon et de l’apparition d’une nouvelle manière de noter et concevoir la musique (l’Ars nova, dont la plus célèbre figure est Guillaume de Machaut), que va se développer la mise en polyphonie de l’Ordinaire de la messe, à savoir les parties fixes de l’office : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus, alternant avec le Propre, constitué de chants spécifiques en rapport avec le thème de l’office : fête d’un(e) saint(e), Noël, Pâques, etc.

S’il restera longtemps possible d’utiliser comme Cantus Firmus (littéralement : chant ferme ; mélodie en valeurs longues qui « soutient » la composition, généralement à la partie de Tenor) les mélodies grégoriennes spécifiques de ces parties de l’Ordinaire (par exemple Kyrie Cunctipotens), d’autres mélodies sont également utilisées. Avant 1450, la quasi-totalité des messes utilisent une mélodie issue du plain-chant. Puis, petit à petit, les mélodies venues de chansons profanes vont prendre de plus en plus d’importance et on verra également des mélodies de solmisation (par ex. La-Mi-La-Sol) voire des mélodies issues de musique instrumentale de danse…

Au début du XVe siècle, les compositeurs anglais Power et Dunstable seront parmi les premiers à concevoir toutes les parties de la messe à partir d’une même mélodie. Cette pratique passera sur le continent quelques décennies plus tard avec une autre spécialité typiquement anglaise : le faux-bourdon. Cette technique d’improvisation principalement à trois voix (comme la plupart des polyphonies écrites de l’époque), procédant par accords parallèles, se retrouvera encore très longtemps, parfois en de très courts fragments, dans la musique composée. A partir du milieu du XVe siècle, cette polyphonie majoritairement à trois voix va évoluer (on pourrait dire jusqu’à nos jours) vers une texture principalement à quatre.

C’est alors dans ce contexte, aux alentours du troisième quart du XVe siècle, que nous trouvons les deux messes de ce programme. S’un point de vue plus strict, on dira qu’elles sont néanmoins séparées par une génération puisque la messe d’Heinrich Isaac date vraisemblablement de 1492 alors que Guillaume Faugues est mort en 1475.

De ce dernier, nous savons assez peu de choses, sinon qu’il est mentionné dans des archives comme chapelain (et brièvement comme maître des enfants de chœur) à la Sainte Chapelle de Bourges en 1462-3, où il a certainement rencontré Johannes Ockeghem, en visite cette année-là. Il est de nouveau chapelain en 1471 mais il n’y a pas connaissance actuellement d’autres documents entre ces deux dates. Il est cependant célèbre en son temps car Loyset Compère, autre compositeur de l’époque, le cite dans son motet Omnium bonorum plena (c.1470) parmi treize « magistri cantilenarum » (maîtres compositeurs). Faugues est de plus loué par le théoricien Johannes Tinctoris pour son art de la « varietas ». Il ne nous est malheureusement parvenu de Faugues que cinq messes formellement attribuées, toutes dans des sources italiennes (Rome, Modène, Vérone, Trente).

L’Italie sera peut-être le lien indirect qui unira ces deux compositeurs, même si aucun document n’atteste ni n’infirme la présence de Faugues dans cette contrée très accueillante pour les meilleurs chanteurs et compositeurs (rappelons qu’à cette époque tous les musiciens étaient formés dans les maîtrises, comme chanteurs, et que seuls les meilleurs apprenaient ensuite à composer !).

Autant les œuvres et documents sont peu nombreux concernant Faugues, autant ils abondent du côté d’Isaac, même si son origine n’est pas très précise. Il se décrit lui-même comme « de Flandria » et serait né aux environ de 1450-55. La première trace de sa production est la copie de trois de ses motets dans un manuscrit de Innsbruk au cours des années 1470. Le 15 septembre 1484 il est payé comme « compositeur » à la cour de Sigismond d’Autriche à Innsbruk.

A partir de juillet 1485 il est à Florence, comme chanteur à Saint Jean, et fait partie du cercle de Laurent le magnifique pour qui il composera un motet : Qui dabit capiti meo aquam ?  et peut-être la Missa ‘Salva nos’  à l’occasion de sa mort en 1492. Après le bannissement de Florence des Medicis en 1494, on retrouve Isaac à la cour de l’empereur Maximilien d’Autriche à partir de 1496, à qui il restera fidèle tout en  se rendant de temps à autres dans des cours voisines.

L’année 1502, il postule au prestigieux poste de Maître de Chapelle à Ferrare, recommandé comme « pouvant  composer sur demande », au contraire de son concurrent le plus prestigieux et qui sera finalement retenu, Josquin des Prez qui, lui, compose quand cela lui chante… En 1515, il est autorisé à résider de façon permanente à Florence tout en percevant son salaire de la cour impériale, sans doute pour des compositions, et y retrouve la famille Medicis, revenue au pouvoir depuis 1512. Suite à une maladie déclarée en décembre 1516, il meurt le 16 mars 1517 à Florence.

On connaît aujourd’hui de sa production 36 messes, plus de 50 motets, environ 100 chansons en français, italien, néerlandais et allemand et musiques sans paroles, mais sa contribution la plus fameuse résulte d’une commande du chapitre de la cathédrale de Constance en 1508 : le Choralis Constantinus, mise en musique du Propre de l’office des dimanches de l’année liturgique (mais pas les plus grandes fêtes pour lesquelles il avait déjà écrit des compositions à 6 voix), qui contiendra à la fin de sa vie, édités en trois volumes, 450 pièces correspondant à 99 offices.

Les deux messes qui nous concernent aujourd’hui présentent de grandes similarités structurelles. Chaque section (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus) se présente en au moins trois parties, la première et la dernière présentant le Cantus Firmus dans un Tutti avec les quatre voix quand la ou les parties centrales sont souvent à deux ou trois voix dans un contrepoint plus libre, sans Cantus Firmus strict. La longue mélodie de la Missa La Basse Dance est toujours divisée en deux entre les parties qui portent le Cantus Firmus alors que celle, plus courte,  de la Missa La Spagna ne l’est que pour le Kyrie et se répète, rythmiquement variée, dans la dernière partie des sections.

Pour en finir avec les comparaisons, on remarquera que la Missa La Spagna commence systématiquement chaque section dans un rythme lent qui s’accélère ensuite, alors que la Missa La Basse Dance de déroule dans un rythme globalement constant et assez rapide, pour finir le dernier Agnus en accélérant encore.

Par-delà les différences et similitudes, ce sont deux joyaux que vous entendrez aujourd’hui, reflets des évolutions successives de l’histoire mais aussi de personnalités contrastées, et qui demeurent des témoins actuels des liens qui peuvent de tout temps unir profane et sacré.

Programme

Missa La Basse danse, Guillaume Faugues

Kyrie
– Kyrie eleison (à 4)
– Christe eleison (à 3)
– Kyrie eleison (à 4)

Gloria
– Et in terra… (à 4)
– Qui sedes ad dexteram Patris,… (à 3)
– Cum Sancto Spiritu in gloria,… (à 4)

Credo
– Patrem omnipotentem,… (à 4)
– Crucifixus etiam pro nobis :… (à 3)
– Et in Spiritum Sanctum,… (à 3)
– Confiteor unum baptisma… (à 4)

Sanctus
– Sanctus,… (à 4)
– Pleni sunt caeli … (à 3)
– Hosanna in excelsis,… (à 4)

Benedictus
– Benedictus… (à 3)

Agnus Dei
– Agnus Dei,… (à 4)
– Agnus Dei… (à 3)
– Agnus Dei… (à 4)

Missa La Spagna, Heinrich Isaac

Kyrie
– Kyrie eleison (à 4)
– Christe eleison (à 3)
– Kyrie eleison (à 4)

Gloria
– Et in terra… (à 4)
– Domine Fili… (à 3)
– Qui tollis peccata mundi,… (à 2)
– Quoniam tu solus sanctus… (à 4)

Credo
– Patrem omnipotentem,… (à 4)
– Crucifixus etiam pro nobis :… (à 3)
– Et ascendit in coelum :… (à 4)

Sanctus
– Sanctus,… (à 4)
– Pleni sunt caeli … (à 2)
– Osanna in excelsis,… (à 4)

Benedictus
– Benedictus… (à 3)

Agnus dei
– Agnus Dei,… (à 4)
– Agnus Dei… (à 3)
– Agnus Dei… (à 4)

Compagnons

Les chanteurs

Igor Bouin : baryton
Anne Magoüet : soprano
Martial Pauliat : ténor
Gwinnevire Quenel : mezzo-soprano
Yann Rolland : contreténor & ténor

Les sonneurs

Bruno Caillat : percussions
Béatrice Delpierre : hautbois & flûtes à bec
Anne Dumont : sacqueboute
Robin Joly : hautbois & flûtes à bec
Claire McIntyre : sacqueboutes
Michèle Vandenbroucque : hautbois & flûtes à bec

Aides artistiques

Marc Busnel : conseils musicologiques, recherches et « musica ficta »
Mariana Del Gadillo : « Oreilles extérieures » et chef de chœur en répétition

Partenaires, aides & soutiens pour sa création en 2014

  • Commande du festival “Voutes célestes” du Conseil Général de la Vendée

Diffusions

  • 31/05/2014 : Abbaye de Maillezais, dans le cadre du festival “Voutes célestes” du Conseil Général de la Vendée.